Rex Quondam Rexque Futurus

Dernier épisode

Chantilly, Bibliothèque du Château, Ms. 472, f. 1r.

RQRF 33: Les Merveilles de Rigomer

Datant probablement du milieu du XIIIe siècle, Les Merveilles de Rigomer voient Lancelot s’aventurer vers Rigomer, une région d’Irlande infestée de brigands aux marges du royaume arthurien, qui rappelle les marches explorées par Hunbaut (RQRF 32).

Sur le chemin se succèdent les aventures : un vieil ermite couvert de mousse, une maison où un cercueil marche tout seul et Lancelot est attaqué par de nombreux fauves, une sorcière-ogresse qui a des airs d’Ysbaddaden (RQRF 2) et sa jeune nièce… Il croise divers blessés, demoiselles en détresse et châtelains lésés qui le supplient de ne pas aller à Rigomer, car tous ceux qui y vont n’en reviennent pas, où atteints de blessures qui ne guérissent pas, attendant celui qui mettra fin à tous ces enchantements. Lancelot semble bien parti pour être cet élu, battant un chevalier qui porte trois armures les unes sur les autres et passant la garde d’un dragon, mais une jeune dame lui passe un anneau enchanté qui lui fait tout oublier et il est mis au travail dans les cuisines de Rigomer.

Gauvain et de nombreux chevaliers partent alors à sa recherche. Cligès affronte notamment un mort-vivant dans un cimetière, qui devient fou furieux quand on retire un tronçon d’épée de son corps, car tant qu’il reste planté il a l’impression d’être auprès de Morgane à la cour d’Arthur. Gauvain parvient finalement à secourir Lancelot, qui après une autre période d’errance d’un an revient incognito dénouer un duel à la cour d’Arthur, où il est reconnu. Lors du dernier tiers du roman (probablement rajouté par une autre plume, et inachevé) le roi Arthur, jaloux des exploits de ses chevaliers à Rigomer, décide de partir lui-même à l’aventure pour aider une demoiselle, et après deux aventures de Lancelot, il combat pour elle avec succès — rare occurrence d’un roi Arthur qui part à l’aventure dans un roman, comme dans le début du Perlesvaus (RQRF 11) ou le plus tardif Chevalier au Papegau.

Ce roman de 17’270 vers épouse le chablon laissé par Chrétien de Troyes et ses successeurs, tout en montrant peut-être l’influence des romans en prose, notamment les “aventures rituelles” typiques des quêtes du Graal (RQRF 16, RQRF 28), où les épreuves s’accomplissent d’elles-mêmes à l’arrivée de l’élu, sans qu’il ait besoin d’étaler des prouesses. On y trouve une grave et récurrente préoccupation pour le chevalier et ses armes (peut-on lui faire confiance et l’accueillir tant qu’il les porte, ne risque-t-il pas de nous massacrer ?) et surtout son armure, que de nombreux brigands cherchent d’ailleurs à lui dérober.

Cette appréhension face à la violence n’empêche pas une certaine indifférence quand elle frappe les femmes, plus soulignée que d’habitude : quand un félon veut violer la fille d’un châtelain, le problème semble surtout être qu’il ne compte pas l’épouser ensuite… De même, quand Lancelot sauve la fille du roi de Dessemoume, que son amant était sur le point de violer, elle plaide surtout pour que son agresseur l’épouse, le mariage lavant tout. D’ailleurs, son père a promis sa main à qui la ramènera, et Lancelot est donc attaqué par des prétendants en chemin, et quoiqu’il refuse de l’épouser, il la laisse enceinte à son départ…

Au milieu du XIIIe siècle, on voit à travers les Merveilles de Rigomer, que les romans en vers continuent à plaire, avec leur goût pour les aventures merveilleuses, ici particulièrement colorées et parfois intrigantes.

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Depuis plus de mille ans, on se raconte les histoires du Roi Arthur et de sa cour fabuleuse pleine de chevaliers héroïques. Si on essaie de se rappeler la légende, ça va peut-être comme suit :

Le fils caché d’Uther Pendragon, Arthur, tire l’épée Excalibur du rocher. Couronné roi, il repousse les Saxons avec l’aide du mage Merlin et règne en paix longtemps, les preux chevaliers se précipitant pour faire partie de la noble Table Ronde, et participer ensuite à la Quête du Saint Graal… Mais la femme d’Arthur, la reine Guenièvre tombe passionnément amoureuse d’un de ses chevaliers, Lancelot, et la désunion commence à s’installer à la cour. Arthur est trahi par Mordred, le fils incestueux qu’il a eu sans le savoir avec sa soeur, et ils s’entretuent, détruisant leurs armées et mettant fin à la Table Ronde. Arthur, mourant, est emmené par des fées sur un navire, et certains croient qu’il reviendra un jour… Et là-dedans il doit aussi y avoir l’histoire de Tristan et Iseult ?

Mais ce canon a en fait mis plusieurs siècles pour se constituer. Tous ces personnages et scénarios ont été ajoutés les uns après les autres par différents auteurs, souvent anonymes, dont le travail était ensuite repris et compilé pour aboutir à la légende telle qu’on la connaît. Une de ces synthèses les plus influentes aujourd’hui est Le Morte d’Arthur (~1469) de l’anglais Thomas Malory. À la fin il y écrit qu’en de nombreuses parts d’Angleterre on croit qu’Arthur reviendra un jour de la mort. Il ne veut pas se prononcer mais beaucoup disent que sur sa tombe est écrit : Hic Jacet Arthurus, Rex Quondam Rexque Futurus.

Du latin pour « Ci-gît Arthur, Roi jadis et Roi à l’avenir », ou « Roi une fois et Roi dans le futur ».

Et comme le roi dont on attend le retour, son histoire nous fascine depuis des siècles. Déjà au Moyen Âge elles eurent un énorme succès dont il nous reste des dizaines et des dizaines de textes, en vers, en prose, en français, en allemand, en italien… Et jusqu’à nos bandes dessinées, films et jeux vidéos modernes le Roi Arthur et ses chevaliers continuent en effet de revenir à la vie.

Rex Quondam Rexque Futurus est un podcast, une émission audio à télécharger, où, chaque mois Antoine et Lays discutent d’une oeuvre classique de la littérature arthurienne. Retrouvez-nous ici abonnez-vous à notre flux RSS, sur votre application de podcast privilégiée, et découvrez avec nous un monde de guerriers amoureux, de dragons et de magie où fait parfois même irruption la main de Dieu dans cette grande fresque de la force en quête de la vertu.