RQRF 32: Le Chevalier aux Deux Épées et Hunbaut

Suivant le Conte du Graal de Chrétien de Troyes (RQRF 7), il est courant de voir des romans centrés sur Gauvain, partageant la vedette avec un autre chevalier — typiquement dans Méraugis de Portlesguez, La Vengeance Raguidel (RQRF 26) ou Gliglois (RQRF 30).

En miroir du nouveau venu, qui doit apprendre les codes de la chevalerie et faire ses preuves, Gauvain, le chevalier accompli, est souvent mis dans des situations dont il est impossible de se tirer courtoisement, ou encore accablé par sa réputation, bonne ou mauvaise.

Image : BnF Fr. 12603 fol. 1r.

Le Chevalier aux Deux Épées suit ce schéma classique, mais s’ouvre sur une étrange scène : en allant y chercher des fers à bestiaux (destinés au Roi Arthur) la jeune dame Lore de Caradigan assiste à l’enterrement du chevalier Bléhéris dans une chapelle enchantée. Cela lui permet de récupérer son château à Ris d’Outre-Tombe, mais elle a aussi ceint l’épée du chevalier et seul un chevalier aussi preux que lui pourra la lui enlever.

À la cour d’Arthur arrive un ancien écuyer de Gauvain qui souhaite être adoubé : Mériadeuc. Il est en fait le fils de Bléhéris mais ignore son propre nom… Quand il arrive à retirer l’épée de Lore, Keu le surnomme alors logiquement le Chevalier aux Deux Épées. Il en obtiendra même une troisième, couverte de sang, qui lui permettra de soigner un chevalier blessé.

Pendant ce temps, Brian des Îles en veut à Gauvain car la dame qu’il convoite n’a d’yeux que pour lui. Il l’attaque lors d’une balade matinale, désarmé, le blesse grièvement et le laisse pour mort, racontant partout qu’il est décédé. Une fois remis, Gauvain part à sa recherche pour rectifier ça.  Sa réputation continue à lui jouer dans tours quand il libère un châtelain et s’aprête à passer la nuit avec sa fille, mais celle-ci se dit triste car elle voulait garder sa virginité pour… Gauvain. Elle ne le croit pas quand il affirme être Gauvain et le croit encore moins quand Gauvain respecte son refus. Il semble avoir une réputation de violeur…

Pendant ce temps Mériadeuc échappe à la cour d’Arthur et combat les troupes de Brian de la Gâtine, qui assiège les terres de sa famille. Gauvain l’y aide en libérant la ville de Tygan, où la mère de Mériadeuc est assiégée, mais on découvre progressivement que c’est en fait Gauvain qui aurait tué Bléhéris, le père de Mériadeuc.

Dans Hunbaut, par contre, le schéma est renversé. Gauvain doit s’aventurer sur une île qui n’est pas soumise à l’autorité d’Arthur, mais alors que Hunbaut, qui l’accompagne, en connait les usages, Gauvain commet impair sur impair et outrage le seigneur de l’île.

À son retour, Gauvain devra secourir sa soeur, enlevée peu après leur départ, et rencontrer une demoiselle tellement amoureuse de lui qu’elle a fait scultpter une statue à son effigie dans sa chambre…

Que ce soit dans Hunbaut, qui est inachevé, ou Le Chevalier aux Deux Épées, qui est peut-être trop achevé, on retrouve beaucoup de motifs arthuriens familiers. Hunbaut met en scène le motif du “tu me décapites, puis je te décapite” de la Première Continuation (RQRF 8) ou de La Mule sans frein (RQRF 19) — et qu’on retrouvera plus tard au centre de Gawain and the Green Knight. Le Chevalier aux Deux Épées semble reprendre sa scène de la chapelle maudite du Perlesvaus (RQRF 11) mais rendue plus ou moins incompréhensible…  Gauvain est assailli par sa réputation : on raconte qu’il est mort (comme dans L’Âtre périlleux (RQRF 30)), il est accusé de meurtre (comme dans le Conte du Graal) et il reste “l’idole inconnue” (pour reprendre le titre de Stoyan Atanassov) : une dame amoureuse de lui ne le connait que par un portrait, il a une réputation de violeur (comme dans la Première Continuation (RQRF 8)). 

Deux romans presque opposés mais qui, malgré leurs diverses aventures et perspectives morales de leurs auteurs, contribuent tous les deux à construire et remixer le caractère des personnages qu’ils partagent: ici, Gauvain, le “bon chevalier”, dont on en vient à se demander s’il est si bon que ça…

Une réponse sur « RQRF 32: Le Chevalier aux Deux Épées et Hunbaut »

Bonjour et Bravo pour votre géniale série que j’ai découvert récemment … très complet, quel boulot !
Une émission sur le film des Monthy python serait pas mal aussi …
Sur le roman du Graal de chrétien, une vidéo d’un médiéviste qui m’a beaucoup plus est celle ci:
https://www.youtube.com/watch?v=Z_OXTf-GsIo
Le type est à pleurer quand il s’aventure sur du récentisme dans certaines autres vidéo, mais là, son idée de rapprocher les événements du roman de la vie de Philippe d’Alsace + d’imaginer que les héros s’aventurant (définitivement pour Gauvain) dans le territoire de la mort féerique me semble intéressant … Que les deux destinées idéales du chevalier puisse être la croisade d’un coté et la lance qui saigne ou bien les ordres religieux de l’autre (avec la coupe) me semble intéressant … Que Gauvain ne sorte pas vivant d’Escavalon et s’enfonce dans le territoire des morts a partir de ce moment là … Cela m’a fait penser a la ville D ‘Ascalon, ville clef de la 2 ème croisade … Sur la vie de philippe d’Alsace … Il refuse la couronne de Jerusalem au regret de Baudouin le lépreux … ces deux frêre sont assasinés … Sa mère reste en terre sainte alors que lui rentre en France … Je me dis qu’il y a peut être des correspondances entre le commanditaire du Roman et l’oeuvre de Chrétien … Une sorte de consolation …
Pour finir je voulais vous présenter ma carte sur papier parchemin du Monde Arthurien et des légendes d’Arthur:
https://www.antica-editions.com/fr/index.php?id_product=446&controller=product

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