RQRF 24 : Le Tristan en Prose

La légende de Tristan et Iseult (abordée dans RQRF 13) était déjà connectée au reste de l’univers arthurien, mais de façon assez superficielle. Dans les années 1230, quelques fans de Tristan en ont eu marre qu’il fasse bande à part et composèrent le long cycle de Tristan en Prose où il rejoint vraiment la Table Ronde. On pourrait presque parler de Tristan-Graal, car Tristan participe aussi à la Quête du Graal, suivant la Queste du Lancelot-Graal (RQRF 16), et s’illustre le reste du temps dans des tournois, duels et course-poursuites entre chevaliers qui auraient parfaitement leur place dans le Lancelot Propre (RQRF 15).

Très populaire, le Tristan en prose a été consigné dans plus de 80 manuscrits qui présentent un tel nombre de variantes et de divergences que l’œuvre donne parfois l’impression d’un Livre Dont Vous Êtes Le Héros. Au point qu’il fallut 34 ans pour que Renée Curtis (1963-1985) puis une équipe dirigée par Philippe Ménard (1987-1997) démêlent cette pelote d’intrigues et que soit complétée l’édition en 12 volumes de sa version la plus courante.

La légende des amoureux maudits n’est pas seulement prolongée, puisqu’on note aussi quelques innovations. Parmi celles-ci, un long prologue sur les ancêtres de Tristan ou le fait que d’autres chevaliers deviennent amoureux d’Iseult – comme le beau-frère de Tristan, Kahédin, qui mourra de son amour insatisfait, ou Palamèdes, le preux Sarrasin et rival de Tristan. Ils passent beaucoup de temps à se lamenter auprès de fontaines dans la forêt, donnant lieu à plusieurs des poèmes chantés qui parsèment la prose. On perd aussi toute sympathie pour le roi Marc, devenu ici un félon meurtrier, dont les crimes sont rarement punis, et dont les victoires participent à une vision cynique et désabusée du monde de la chevalerie.

Quelque peu sous-estimé par la critique moderne – quand elle n’a pas simplement été découragée par la complexité de la tradition manuscrite – ce roman a pourtant eu une grande influence. Il partage des épisodes avec la Post-Vulgate, un remaniement du Lancelot-Graal, même si le lien entre les deux reste discuté aujourd’hui. Il sera aussi beaucoup repris en italien (Tavola RitondaTristano RiccardianoTristano Panciatichiano…) avant de former la base des chapitres sur Tristan de la très influente Morte Darthur (~1469) de Thomas Malory, et d’être régulièrement réimprimé aux XVe et XVIe siècles. Alors qu’une nouvelle traduction est en cours de publication, c’est l’occasion de le redécouvrir dans le – prévisiblement – plus long épisode de Rex Quondam Rexque Futurus

Rex Quondam Rexque Futurus 24 : Le Tristan en Prose (juillet 2019)

[Mise à jour : deux tomes sur cinq de la traduction en français moderne du Tristan en prose ont pour l’heure (2020) été publiés par les éditions Anacharsis]

Musique

Benjamin Britten (1913-1976)
Suite from King Arthur (Arr. Hindmarsh): I. Overture (Générique)
Richard Hickox & BBC Philarmonic Orchestra

Stan Rogers (1949 -1983)
Oh, No, Not I
Turnaround

Thibaut IV de Champagne et Ier de Navarre (1201-1253)
Seignor, sachiez, qui or ne s’an ira
Guy Robert & l’Ensemble Perceval

Stan Rogers (1949 -1983)
Northwest Passage
Northwest Passage

Hector Berlioz (1803 -1869)
Neuf mélodies, « Irlande », op. 2: IV. La Belle Voyageuse
Véronique Gens, Louis Langrée & l’Orchestre de l’Opéra National de Lyon

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