La Mort le Roi Artu conclut le cycle du Lancelot-Graal, en traquant tous ses personnages jusqu’à la mort. Comme dans la tradition des chroniques illustrées par Geoffrey de Monmouth (RQRF 3) et ses continuateurs tels que Wace (RQRF 4), Arthur apprend lors d’une campagne sur le continent que Mordred l’a trahi et revendique la reine et la couronne pour lui, puis il revient confronter son neveu en Bretagne, mais ils s’y entretuent, tout comme leurs forces respectives. Cette fois-ci, cependant, c’est son conflit avec Lancelot qui avait amené le roi en Gaule. En effet, après la découverte de la relation adultère entre Lancelot et Guenièvre (qui a repris après l’interruption de la Queste), Lancelot secourt Guenièvre du bûcher en tuant malencontreusement Agravain, Guéhériet et Gaheret, fils du roi Lot, il est pourchassé par Gauvain, leur frère, et Arthur, leur oncle. En outre, Mordred, s’il reste le fils de sa sœur et le frère de Gauvain, devient dans le Lancelot-Graal le propre fils incestueux d’Arthur, rehaussant encore la perversion de cet usurpateur.
Contrairement à la structure des aventures entremêlée du Lancelot Propre (RQRF 15) ou aux interruptions allégoriques de La Queste del Saint Graal (RQRF 16), La Mort le Roi Artu montre dans une longue chaîne d’événements le déploiement des engrenages de la vengeance dans un monde débarrassé des enchantements merveilleux ou des manifestations de Dieu. C’est un conflit profondément mondain, profondément humain, qui déchire Guenièvre, Lancelot et Arthur. La Roue de la Fortune tourne pour cette parenthèse arthurienne, et les personnages n’y discernent la main de Dieu qu’avec incertitude, quand ce crépuscule vient clore cette parenthèse tour à tour courtoise et sainte que fut la cour du grand Roi Arthur. Est-ce bien elle qui saisit Excalibur avant de l’engloutir dans les flots ?
Image : une main saisit Excalibur après que Girflet l’a lancée dans l’eau sur ordre d’Arthur. (British Library Ms. Additional 10294 f. 94)